Sur le tournage du film "Au bonheur des ogres"


Mercredi 4 avril, 14h, je me rend à "La Samaritaine", située en bord de Seine, à côté du "Pont des Arts", pour assister au tournage du nouveau film de Nicolas Bary, Au bonheur des ogres, adapté du roman de Daniel Pennac (1985).

L’histoire d’un jeune homme, qui travaille dans un grand magasin comme "bouc émissaire professionnel". Lorsque certains clients sont mécontents, il intervient pour calmer la situation en se faisant sermonner devant eux par son employeur ! Un jour, des meurtres se succèdent dans le magasin, il devient aussitôt l‘accusé… Sa petite amie, journaliste, mène l’enquête… Mais le jeune homme est vite dépassé par les évènements. Il doit tout gérer de front, notamment la DASS qui menace de récupérer sa fratrie, dont il est l'aîné.




Un "film d’aventure dans Paris", bénéficiant d’un beau casting : Bérénice Béjo, Raphaël Personnaz, Isabelle Huppert, Thierry Neuvic, Mélanie Bernier, Guillaume De Tonquedec et Emir Kusturica (dans le rôle du gardien du magasin).

Nicolas me reçoit avec enthousiasme. Nous discutons brièvement afin de prendre des nouvelles de chacun, puisque nous ne nous sommes pas revus depuis août 2008, lors de la pré-production de son premier long métrage Les enfants de Timpelbach (sur lequel j'ai eu la chance de travailler en tant que monteur animatique).



Nicolas me propose d'assister aux préparatifs des scènes à tourner tandis que son équipe d'assistants le rejoint pour vérifier le plan de travail. Je le vois donner ses directives, mettre en place son découpage, ses choix de mise en scène (une caméra montée sur Louma pour effectuer des travellings verticaux et latéraux). Les équipes de la décoration ont recréé les vitrines magnifiques de "La Samaritaine" et ont redonné vie à ce célèbre établissement, fermé en 2005 pour mise en conformité et restructuration (il sera reconstruit dans quelques mois en hôtel de luxe). À tel point que les passants (pas seulement les touristes) s'imaginent que le magasin a été rouvert et s'empressent de franchir les portes d'entrées ! Mais de vrais agents de sécurité sont là pour leur rappeler qu'il ne s'agit que d'un film !




Puis les techniciens s’installent à leur poste (caméra, lumière, son), effectuent leurs derniers réglages ; les rôles principaux et les figurants arrivent. Nicolas accueille Raphaël Personnaz, jeune acteur prometteur, et Bérénice Béjo (César de la Meilleure Actrice 2012), rayonnante, ravie de pouvoir enfin reprendre son travail d'actrice, après le marathon promotionnel interminable effectué pour The Artist.


Tout se fait avec bonne humeur et professionnalisme. L'équipe se connait bien, elle est rôdée, le tournage a débuté en mars au Luxembourg (le film est une coproduction). Il reste encore un mois à filmer dans les environs de Paris.



Les nouvelles scènes vont être tournées devant l'entrée de "La Samaritaine", et serviront à raccorder avec ce qui a été tourné en studios (toutes les scènes d'intérieurs, de boutiques, chaque étage, où une partie de l'intrigue se déroule). Ici, Raphaël Personnaz, Bérénice Béjo et d’autres clients, font la queue puis sont contrôlés par de (faux) vigiles avant d‘accéder au magasin. Le couple vient y chercher des informations, dans le bureau du directeur, qui permettraient de les disculper.




Sur le trottoir, un étrange homme-orchestre joue de la musique, ce qui rend l’attente des clients moins pénible. L’histoire s’inscrit dans un contexte réaliste mais Nicolas a distillé de nombreux détails (dans les costumes, les décors, les mouvements de caméra) afin de donner une atmosphère particulière et fantaisiste à son film. On reconnait bien le style du réalisateur.



La dernière scène, à laquelle j'ai pu assister, montre l'évasion des protagonistes du magasin par une échelle de secours (après une course-poursuite avec les vigiles) ! Elle est tournée dans la rue Baillet, où règne une étrange atmosphère depuis la fermeture de "La Samaritaine". Un décor nostalgique, d'architecture "à la Jules Vernes", totalement cinématographique, comme l’apprécie tant Nicolas !






Pour conclure et en savoir davantage sur le film, voici une brève interview :

Ton premier long métrage Les enfants de Timpelbach est sorti en décembre 2008. Qu’as-tu fait ensuite sur le plan artistique ?

Nicolas Bary : J’ai monté une boite de production avec deux associés, "Les partenaires". On a produit trois courts métrages, Les bons tuyaux (diffusé dans les salles MK2 en début de programme), Le miroir (Grand Prix à Gérardmer) et Ève (tourné en relief avec deux caméras, actuellement en postproduction). J’ai également réalisé des clips pour Emilie Satt et Pamela Hute, des publicités et une vidéo promotionnelle pour les Jeux Olympiques d‘hiver (candidature d‘Annecy 2018).

Quelle est la genèse de ton nouveau film ?

Mon deuxième long devait être l’adaptation de la bande dessinée Soda, un projet compliqué à monter. Entre-temps, j‘ai assisté à une lecture de Bartelby (Herman Melville) par Daniel Pennac au théâtre, mais la nouvelle avait déjà été adaptée en film. J’avais lu son roman, Au bonheur des ogres, durant mon adolescence. Il y avait beaucoup de passerelles avec mon univers. Son côté foisonnant, poétique, son aspect de conte, m‘ont beaucoup plu. Ayant moi-même un frère et une sœur, je me suis reconnu dans cette fratrie, foutraque, décalée, colorée, humaine, vivante. Au début, Pennac ne voulait pas d’une adaptation au cinéma. Je lui ai quand même envoyé une lettre motivée et mes films en DVD. Puis nous avons déjeuné ensemble. Il a accepté que je m’approprie son histoire mais je voulais absolument conserver l‘esprit du roman que les lecteurs avaient aimé.

Comment s’est déroulée la phase d’écriture ?

L’histoire se déroulait en 1980, il a néanmoins fallu la réactualiser à notre époque. J’ai supprimé quelques personnages et fait quelques modifications, notamment le "backstory", l’origines des ogres (ce seront désormais des "ogres modernes en cravates"). La phase d’écriture, avec le scénariste Jérôme Fansten, a commencé durant l’été 2009. Pennac a beaucoup insisté sur l‘importance des dialogues. En même temps, on recherchait les financements. Le ton sera un croisement entre polar et comédie. Un univers de conte assez sombre. Le roman avait une dimension mystique, "à la Da Vinci Code", mon film sera plus réaliste. Puis la pré-production a démarré en août 2011, le tournage en février 2012. La sortie est prévue pour 2013.

Maxime Lesage